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« Une communication (im)possible ? » - dispositif théâtral au Musée Gadagne de Lyon

Enviado por marine_cocumelli el
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Dispositif théâtral conçu et développé par l'équipe du projet REMILAS (REfugiés, MIgrants, et leurs LAngues face aux services de Santé) en collaboration avec la metteuse en scène et une plasticienne, Marie-Pierre Morel-Lab*.

Retour d’expériences, Marika et Marine

Le musée Gadagne de Lyon a accueilli le samedi 15 juin 2019 un « dispositif théâtral autour de la communication et des difficultés de communiquer avec des personnes de langue et de culture différente. » Des ateliers de trente minutes se sont déroulés tout au long de l’après-midi. Les participant.e.s, au nombre de dix environ par groupe, étaient convié.e.s à jouer un rôle sans le savoir. Nous sommes donc entré.e.s sans aucune explication dans la situation des personnes migrantes.

Séparé.e.s et classé.e.s dans trois groupes différents en fonction de la ou les langue(s) comprise(s), nous avons reçu une petite image avec un symbole (bleu, rouge ou vert) avant de descendre un long escalier nous menant dans un endroit du musée peu connu et pas du tout accueillant.

A peine descendu.e.s, nous recevons un document dans une langue inconnue (caractères ni latins, ni cyrilliques) avant d’être assez (volontairement) brusquement appelé.e.s à rejoindre une personne qui porte le même signe que nous. Cette personne nous indique avec un ton autoritaire et dans une langue inconnue que nous devons la suivre vers une table où trois chaises peu confortables sont présentes. La lumière est plutôt froide et ne met pas du tout à l’aise. La mise en scène est expressément pensée pour déstabiliser les participant.e.s.

Nous nous asseyons à quatre autour de la table et la personne devant nous nous tend un document qui ressemble à un questionnaire (toujours dans une langue non compréhensible). Cette personne face à nous qui joue le rôle du docteur parle soit le turc (premier groupe), soit l’italien (second groupe), soit une langue inventée (troisième groupe). Marika était dans le groupe avec le « docteur » turc, et moi, dans celui où la langue était inventée.

Pour Marika, l’expérience a été enrichissante, l’identification du turc s’est faite rapidement, et elle a pu jouer le rôle de la médiatrice auprès d’une participante chinoise qui s’était bloquée dans l’expérience. La communication est passée par ce jeu de médiation que Marika a instauré en repérant les mots transparents entre le turc et le français, soutenu par l’implication dynamique des deux autres participantes. Marika a demandé de reformuler plus lentement et de répéter les gestes effectués pour comprendre le turc et permettre de faire le lien avec le français par un jeu des transparences linguistiques. Quelques exemples de mots transparents repérés : doktor (docteur) / alerji (allergie) / adres (adresse) / operasyon (opération) / telefon (téléphone).

Pour moi, l’expérience a été plus difficile : n’ayant pas tout de suite pensé qu’il s’agissait d’une mise en situation dans le cas des personnes migrantes arrivant dans des lieux de soin en France, la surprise a été grande quand je me suis sentie mal à l’aise. Je ne comprenais pas pourquoi la personne n’allait pas lentement, ni son impatience dans un atelier qui était justement censé travailler les liens compréhensifs entre langues. J’ai donc dans un premier temps, avec un autre participant, commencé à identifier la langue ; cherchant dans la famille germanique. La personne face à nous n’était pas bienveillante et ne répétait jamais deux fois les mêmes mots. La compréhension s’est faite à travers les gestes. Pour le reste, nous déduisions avec le groupe qu’il s’agissait d’un questionnaire médical (avez-vous eu tel ou tel vaccin ? Des antécédents ? etc. etc.). Nous avons finalement réussi, et ce, même en possession du peu d’informations que nous avions réussi à dégager (les « oui » et « non » semblaient être des invariables, donc repérables) à répondre au questionnaire entièrement.

A la fin de ces questionnaires, la personne nous indique un chemin incompréhensible, rempli d’escaliers et de marches à gravir. On se lève et on suit des « personnes policières » qui nous disent, toujours avec un ton autoritaire, de nous diriger dans un espace avec des rideaux d’enveloppes, symbolisant un labyrinthe. Nous entrons donc et une personne nous distribue une enveloppe avec à l’intérieur un court texte en français** et un symbole / caractère / personnage. Nous nous trouvons face à un tableau sur lequel on en déduit qu’il faut aimanter le personnage et écrire un souvenir, une idée…

En toute fin d'atelier, une personne vient nous expliquer que nous étions dans la peau des migrant.e.s et qu’on nous a réparti en fonction des langues que nous connaissions pour chercher à nous éloigner du confort de la compréhension.

Marika et moi avons trouvé cette approche immersive très efficace pour vulgariser au grand public les principes de l’intercompréhension et d’en révéler l’importance dans notre société.
Nous remercions donc le musée Gadagne pour l'invitation.

Ce dispositif théâtral a déjà été mis en place dans d'autres occasions.
Pour plus d'informations, voir la page du projet REMILAS.

 

* Propos reccueillis auprès de Vanessa Piccoli, membre de l'équipe du projet.

** "j'ai beaucoup voyagé
moitié dessin-moitié langage, je suis le graphonage
par delà le labyrinthe, inventez un espace, donnez-moi une place
faites de moi un message"