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Les dix ânes

Texte

Nasreddine Hodja décida un jour de devenir commerçant. Il partit au marché de la ville, où il acheta dix ânes. Sur le chemin du retour, alors qu'il était en pleine campagne, il commença à s'inquiéter : « Il y a beaucoup de voleurs dans cette région, il vaut mieux que je vérifie si on ne m'a pas déjà volé. » Il se retourna et entreprit de compter ses ânes. Mais ne voyant pas celui sur lequel il était assis, il ne compta que neuf ânes. « Malheur, s'écria-t-il, on m'a volé un âne ! » et, sautant à terre, il courut vers les collines à la poursuite des voleurs. Il chercha longtemps, mais il ne trouva personne. Alors, il revint tristement rejoindre ses ânes. Et là, quelle ne fut pas sa surprise de voir ses dix ânes qui l'attendaient paisiblement !  
« Ha! Ha ! se dit-il, les voleurs ont eu peur de moi et ils ont préféré me rendre l'âne qu'ils avaient volé. »
Fier et rassuré, Nasreddine enfourcha son âne et reprit son chemin, suivi par les neuf autres.
Trois cents mètres plus loin, il se dit : « Et si les voleurs étaient revenus, profitant de ma grande confiance ? » Il se retourna et compta ses ânes. Il en trouva neuf. « Malheur ! s'écria-t-il, ils ont recommencé ! Mais je les rattraperai ! » Et, sautant à terre, il se mit à courir dans tous les sens sans trouver la moindre trace des voleurs. « Cette fois-ci, ils m'ont eu », se dit-il en revenant sur ses pas. Sa surprise fut grande en arrivant près de ses ânes : ils étaient dix !
Nasreddine réfléchit longuement. Il se dit : «C'est simple, chaque fois que je suis sur le dos d'un âne, les voleurs en profitent pour m'en prendre un autre ; il vaut mieux que je continue à pied pour leur faire échec.»
Et c'est ainsi qu'il arriva chez lui, transpirant et épuisé, mais fier d'avoir déjoué le plan des voleurs.
Il raconta l'aventure à sa femme, qui poussa un grand soupir et dit : « En regardant bien, je ne vois pas dix ânes, mais onze ! »

Références

Texte adapté de Jihad Darwiche, Sagesses et malices de Nasreddine, le fou qui était sage, Ed. Albin Michel (2000), cité par l'école publique Saint Clair.